Chose lue dans le Monde :
- L’UE échoue à adopter la neutralité carbone en 2050.
Cet anglicisme commence à s’imposer dans la presse française. La phrase n’est donc pas fausse, mais elle est perçue négativement par certains locuteurs natifs, dont je suis. Ceci dit, si ce n’est dans cette langue un peu particulière qu’est le langage des journalistes, je ne me souviens pas d’avoir entendu employer ailleurs cet échouer à + infinitif.
Je ne vois aucun mal à utiliser cette formulation bien qu’elle soit peu ou pas usitée. Comment en es-tu arrivé à une telle supposition ?
Il est vrai qu’on dira plutôt "n’est pas parvenu à + infinitif".
Pour reprendre ton exemple :
Je suis parvenu à résoudre l’exercice.
Je ne suis pas parvenu à résoudre l’exercice.
Personnellement je ne me servirais pas de cette façon d’utiliser le verbe « échouer » et m’en tiendrais au « mode » connu, c’est à dire à l’usage de tournures un peu plus longues ;
- Elle a échoué dans sa tentative de sauver son fils.
- L’UE échoue dans son projet d’adoption de la neutralité carbone en 2050.
- Ils ont échoué dans l’opération de connexion des robots.
Le commentaire très intéressant trouvé ci-dessus donne à penser. Il semblerait exister une certaine logique tendant à vérifier l’usage tel qu’il a été préservé jusqu’à nos jours, mais cette logique serait elle jugée pertinente —elle n’est que le fruit de mes réflexions—, elle consiste en un raisonnement si ténu, serait il juste, que l’on préfèrera peut être ne pas en tenir compte ; je tente de l’expliquer ci-dessous, vu que l’idée pourrait être vérifiée par d’autres et leur plaire. Elle semble cependant justifier les tournures un peu plus longues du français. Si l’on se rapporte à la définition de « échouer » dans le TLFi,
« Au fig. [En parlant d’une pers. ou de ce qu’elle a entrepris ou produit] Se heurter à un obstacle social, moral ou intellectuel et ne pas réussir à le surmonter; subir un échec. », [d’autres devraient être ajoutés : obstacle technique, naturel,… (user LPH)]
on voit que ce qui est entrepris ou produit n’est pas directement impliqué, ce n’est que la tentative, que le projet de la chose qui l’est, c’est à dire une série de stages à passer avec succès ou parmi lesquels être arrêté par un écueil ;
Cela est un peu plus explicite dans le dictionnaire de l’Académie ;
Fig. (ne s’emploie en ce sens qu’avec l’auxiliaire Avoir). En parlant d’une personne. Ne pas réussir dans une entreprise, une action. N’entreprenez pas cette réforme, vous y échouerez. Il a échoué dans ses efforts pour rétablir la paix publique. (user LPH‘s bold type)
« Sauver son fils », par exemple, n’est pas l’opération de sauvetage de son fils mais le résultat de celle-ci, c’est le sauvetage en tant que résultat ; on verra peut être cela dans les phrases suivantes ;
- Sauver son fils, c’est tout ce qui comptait. (Le sauvetage de son fils, c’est tout ce qui comptait.)
- Sauver son fils avait couté cher à l’état. (La vie sauve de son fils avait…)
- Finalement elle n’avait fait que sauver son fils, incapable de secourir sa fille. (« Elle n’avait fait que travailler au sauvetage » n’aurait pas de sens; elle avait obtenu le résultat.)
« Échouer » signifie « être arrêté » dans une étape du processus, mais il n’y a pas de processus impliqué dans un résultat, alors que le verbe réussir signifie
« [Avec un adv. précisant le sens] Aboutir à un résultat (bon ou mauvais). »
où « aboutir » veut dire
(TLFi) « Se terminer dans; arriver; ».
On ne dira pas couramment par exemple « Ils ont réussi dans l’opération de sauvetage; » mais tout simplement « Ils ont réussi l’opération de sauvetage. » parce que le verbe « réussir » sert à exprimer un état final, celui du succès à un point donné, à la fin d’un processus. Cela est encore le cas pour « Ils ont réussi à sauver son fils. » (Le résultat est confirmé.)
La construction échouer à + infinitif est ancienne et utilisée par de bons auteurs.
1736
[…] l’autorité publique ayant échoüé à arrêter […]
Mercure de France1780
[…] elle a échoué à faire le rôle de Colette […]
Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la république des lettres en France1815
Si j’échoue à me maintenir sur le trône […]
Amours secrètes de Napoléon Bonaparte1827
[…] ont échoué à vouloir représenter par des formules la gradation […]
Mémoires de l’Académie des sciences de l’Institut de France1849
[…] ils ont constamment échoué à les reconstituer […]
Journal de Seine-et-Marne, 3 mars 18491866
S’il échoue à le devenir lui-même, c’est par un mélange singulier d’audace, de superstition et d’incertitude.
Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle1908
[…] puisqu’on échoue à les prévoir […]
Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience1910
On pense à corriger la nature, quand on échoue à la révéler.
Suarès, Voyage du Condottière1920
[…] même un esprit comme celui de Voltaire échoue à rassembler ces fragments […]
Lanson, Histoire de la littérature française1962
Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout.
Camus, Carnets
Quant aux liens que vous donnez, je ne vois pas ce que l’on peut en tirer :
-
Le premier s’avoue lui-même non concluant ;
-
Le deuxième est mort ;
-
Le troisième et le quatrième donnent des avis contradictoires non étayés.
Accessoirement, pour ceux qui considèrent que cette construction est incorrecte, pourquoi attribuer son origine à l’anglais ? Le français dit aussi bien faillir à + infinitif, et c’est faillir qui a donné fail.
Leave a comment