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What is the capital of Tunisia?

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What is the capital of Tunisia?

Le pronom « je » avec le verbe conjugué à la première personne du pluriel : valeur, raison de l’emploi ?

En passant, lorsque j’étais petit et que je passais mes vacances sur l’île d’Oléron, je pouvais entendre les plus âgés utiliser parfois la conjugaison à la première personne du pluriel pour un pronom à la première du singulier. On pouvait donc encore trouver trace de cet usage dans les campagnes françaises dans les années 1980.

Le plus beau étant que cela pouvait être agrémenté d’une négation n’en ayant pas le sens. Ainsi, j’avais pouvait se transformer en J’n’avions.

La première question revient malheureusement à prouver un négatif. C’est d’autant plus compliqué que les attestations de je -ons avec un référent singulier sont rares, peuvent être le résultat d’une mauvais imitation de la forme populaire par quelqu’un dont elle ne fait pas partie du dialecte, ou d’une réinterprétation de l’ancien système par un néo-locuteur d’une langue régionale qu’ils n’ont que partiellement maîtrisée.

Voici ce qu’une note de bas de page tirée de KING Ruth et al., "The interplay of internal and external factors in grammatical change: First-person plural pronouns in French" (une étude de corpus de textes littéraire étudiant les changements de pronouns de la 1PP en français) a à dire sur ce sujet :

Use of je + verb + -ons with a singular reference—that is, meaning
‘I’—occurs with varying levels of frequency in our literary corpora,
and in most instances such use coexists with use of the same form but
with a first-person plural reference. Lodge (2004) has also found
instances of such mixed usage in his corpus of representations of
seventeenth- and eighteenth-century lower-class Parisian French. One
can find two attestations of je + verb + -ons with a singular
reference in the Atlas linguistique de la france (locations #153 and #246,
for map 975). Morin (p.c.) suggests that the rarity of such forms may be a
reflection of a misinterpretation of the question posed
by the fieldworker. First-person singular reference has also been
noted for the nineteenth and twentieth centuries by Berthier (1996),
Chaurand (1968), Deguillaume (1998), and Moisy (1887), although it is
not clear whether it involves reanalysis of an older system.

Le je pluriel est né vers la fin de l’ancien français, durant une période où l’on a vu apparaître, partout ou régionalement selon les cas, des usages où le pronom et l’inflexion verbale ne s’accordaient pas. Gaston Zink, dans sa thèse de 1981 sur la Morphosyntaxe du pronom personnel en Moyen Français, en décrit de plusieurs types : j’avons, tu seriès (=tu seriez), on avons, on ont, nous a, qu’il attribue "à l’aptitude des pronoms pluriel [..] et de […] on à s’identifier (au niveau du discours […]) à ceux qu’ils incorporent or qui les incorporent". En d’autres termes, l’usage discursif, ou poli, des pronoms pluriels, pour des référents singuliers ou indéfinis aurait dissocié leur sens de la stricte références à une personne grammaticale précise et aurait permis leur usage de plus en plus fréquent en référence à d’autres personnes grammaticales. Je ne suis personnellement pas tout à fait convaincu (ces usages sont présents également en français moderne sans produire les mêmes effets), mais Zink est le seul à fournir une explication au phénomène que j’aie pu trouver dans la littérature.

Reste à expliquer pourquoi de ces divers usages seul le je pluriel s’est imposé dans le parler populaire en français comme dans les autres langues d’oïl en moyen français, au point de rester bien implanté dans les usages européens jusqu’à l’instauration de la scolarité obligatoire, malgré les foudres des premiers grammairiens. (Vu sa popularité en Europe, c’est sans surprise que le je pluriel se retrouve dans la koinè canadienne et qu’il survit dans les français des Amériques jusqu’à nos jours)

Dans les langues locales européennes, le je pluriel est hégémonique dans la région d’oïl, sauf dans le Nord-Est et en Franco-Provençal où le nous reste le pronom usuel de la 1ère personne comme l’indique les cartes de l’ALF (0027 nous allons, 0100 que nous ayons, 0318 nous connaissons, pour n’en citer que quelques unes).

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Source: Mathieu Avanzi

Une raison potentielle pour cette persistance du je pluriel est le parallélisme avec la 3ème personne : L’Ancien Français utilisait il comme pronom de la 3ème personne masculine au singulier comme au pluriel, une évolution naturelle des pronoms latin ille et illī qui n’avaient aucun /s/. Au féminin, elle et elles existent tous les deux, la terminaison du -æ du nominatif pluriel ayant très tôt été remplacée par -as (elle semble donc être un archaïsme de la déclinaison pronominale). Ils est une innovation du Moyen Français qui n’a jamais totalement pénétré dans les autres langues gallo-romanes (carte ALF 0093 quand elles ont).

De plus, le suffixe de la troisième personne du pluriel a connu plusieurs variations, qu’on peut schématiser en trois grand groupes :

  • Le type français des classes supérieures, où le suffixe atone -ent persiste mais se réduit progressivement à un simple /ə(t)/, identique aux suffixes du singulier hors des contextes de liaison

  • Le type d’oïl (y compris le français populaire), où le suffixe tonique -ont est emprunté à plusieurs verbes irréguliers (sont, font, vont) et généralisé à tous les verbes

  • Le type wallon et picard, où le suffixe atone -ent est renforcé par une voyelle d’appui qui le protège de la perte des consonnes finales (picard /-t/, /-tə/) voire attire l’accent et devient la source d’un nouveau suffixe tonique (wallon /-ny/, /-nø/, /-nɛ/)

Dans les langues du type 1 et 3, les 1ère et 3ème personnes du pluriel restent bien distinctes une fois les consonnes finales tombées, sauf bien sûr au futur :

  • Français nous mangeons /mãʒõs -> mɑ̃ʒɔ̃/, il(s) mangent /mãʒət -> mɑ̃ʒə/
  • Français nous mangions /mãʒjõs -> mɑ̃ʒjɔ̃/, il(s) mangeoient /mɑ̃ʒwɛət -> mɑ̃ʒwɛə/
  • Wallon (Charleroi) nos mindjons /mẽdʒõs -> mẽdʒõ/, i mindjneut /’mẽ.dʒən.tə -> ‘mẽ.dʒən.nə -> mẽ.dʒən.’nə -> mẽdʒ.’nø/
  • Picard (Mons) nos mindjimes /mẽdʒiməs -> mẽdʒimə -> mindʒim/, i mindjin’te /mẽdʒiəntə -> mẽdʒiəntə -> mẽdʒintə/

Dans les langues de type 2 par contre, les suffixes -ons et -ont sont devenus homophones. La distinction entre les personnes est donc retombée sur les pronoms sujets, tandis que le nombre restait indiqué par les suffixes (exemple en français populaire):

je mange /ʒə=mɑ̃ʒ-ə/ 1P=mange-SING

tu manges /ty=mɑ̃ʒ-ə/ 2P=mange-SING

il mange /i=mɑ̃ʒ-ə/ 3P=mange-SING

nous mangeons /nu=mɑ̃ʒ-ɔ̃/ 1P.PL=mange-PL

vous mangez /vu=mɑ̃ʒ-e/ 2P.PL=mange-2P.PL

il mangeont /i=mɑ̃ʒ-ɔ̃/ 3P=mange-PL

Dans un tel système, généraliser je à la 1ère personne du pluriel aurait harmonisé d’avantage le paradigme, avec un pronom marquant la personne et un suffixe marquant le nombre. Une évolution semblable pour la seconde personne aurait été bloquée par l’usage de l’opposition entre tu et vous pour marquer la politesse.

je mange /ʒə=mɑ̃ʒ-ə/ 1P=mange-SING

tu manges /ty=mɑ̃ʒ-ə/ 2P=mange-SING

il mange /i=mɑ̃ʒ-ə/ 3P=mange-SING

je mangeons /ʒə=mɑ̃ʒ-ɔ̃/ 1P=mange-PL

vous mangez /vu=mɑ̃ʒ-e/ 2P.PL=mange-2P.PL

il mangeont /i=mɑ̃ʒ-ɔ̃/ 3P=mange-PL

Cela permettrait d’expliquer pourquoi les langues d’oïl qui utilisent le je pluriel et celles qui ont la même consonne nasale pour les suffixes des 1ère et 3ème personnes du pluriel coïncident.

De même en Amérique du Nord, les dialectes du français qui préservent le je pluriel, comme l’acadien, sont aussi ceux qui préservent -ont comme suffixe de la 3ème personne du pluriel : j’mangeons, i’ mangeont.

 

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