Cet éditeur n’étant pas adapté à l’écriture d’équations mathématiques, je te conseille la lecture de ce cours d’analyse particulièrement aux pages 88, 89 et 90.
Tu y liras des formules que tu connais très bien (2.7, 2.8 et 2.9), 3 façons de dire la même chose, et qui, toutes peuvent s’appeler fort à propos formules pour la dérivation des fonctions composées.
Seule la forme 2.9, (p 90) parce que suggestive, bien que moins précise (ce peut être la raison du conseil de tes collègues), représente la règle de dérivation en chaîne (de Leibniz). proprement dit.
La France a une tradition mathématique forte et a encore une école mathématique forte. Contrairement aux autres sciences, on diffusait encore de la recherche en français bien après la seconde guerre mondiale dans certains domaines des mathématiques (notamment la géométrie algébrique). Il y a (au moins en algèbre et en analyse, peut-être moins dans d’autres domaines comme les statistiques) suffisamment d’ouvrages en français pour qu’on n’ait pas besoin de lire l’anglais avant un niveau nettement plus avancé que le premier cycle universitaire. La dernière période de réformes majeures dans la façon de présenter les mathématiques et dans la terminologie est venue sous l’impulsion de Bourbaki, qui est francophone. Le français a des termes bien établis et ne cherche pas à les remplacer par les termes anglais (au moins en France, je ne sais pas pour les autres pays francophones).
Il n’y a aucune raison pour que « règle de la chaîne » évoque quelque chose pour un étudiant en mathématiques français, voire peut-être même pour un chercheur dans un domaine peu lié à l’analyse. La règle pour dériver la composée de deux fonctions n’a pas de nom particulier. L’article Wikipédia mentionne actuellement le terme « règle de la chaîne », mais sans référence, et des commentateurs s’interrogent sur le bien-fondé d’inclure cette expression qui semble être un anglicisme. Le terme n’est mentionné ni dans mon édition (un peu vieille) du Dictionnaire des mathématiques de Bouvier et al, ni dans le traité d’analyze de Schwartz (tome II, chap. III, §4, « Le théorème de dérivation des applications composées »), ni dans le Cours de mathématiques d’Arnaudiès et Fraysse (tome 2, §IV.6, « Dérivée d’une fonction composée »). Aucun de ces ouvrages ne date du 21e siècle, et ces dernières années l’expression semble faire son entrée en France, mais cela reste marginal. Sur Google Books, il n’y a pas beaucoup de mentions, quasiment exclusivement du 21e siècle, et la plupart des auteurs qui mentionnent ce terme soit sont des francophones d’autres pays que la France, soit travaillent dans des domaines plus anglophones comme l’économie.
Le terme ne doit pas être courant chez les Canadiens francophones non plus puisque TERMIUM ne le mentionne pas. (TERMIUM mentionne « règle de conjointe », que je ne connaissais pas et qui a l’air utilisée exclusivement par le gouvernement Canadien, et ce avec parcimonie)
Je ne sais pas d’où vient l’expression « chain rule ». On dit « Kettenregel » en allemand et le théorème semble avoir été remarqué en premier par Leibniz, mais Leibniz n’écrivait pas en allemand. Quelle que soit son origine, l’expression a pris dans beaucoup de langues, mais pas en français.
À noter qu’en France, en mathématiques, on utilise quasiment exclusivement la notation à la Newton : la dérivée de f au point x est f'(x). La notation à la Leibniz dy/dx est utilisée par les physiciens et autres scientifiques appliqués, mais pas en mathématiques. Du coup la règle pour dériver des fonctions composées s’écrit (g∘f)′ = (g′∘f) ⋅ f′, qui n’a pas l’air plus remarquable que d’autres règles concernant les dérivées, alors qu’avec la notation de Leibniz dz/dy ⋅ dy/dx = dz/dx on a l’impression (pas fausse mais pas exacte non plus) qu’il s’agit simplement de simplifier les dy. C’est assez symptomatique de la manière d’enseigner les mathématiques en France qui valorise beaucoup la rigueur, ce qui est tout à fait indiqué en mathématiques mais est quelquefois fait un peu au détriment de l’intuition.
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