Le marchand de sottises. Spontanément ça m’a donné l’impression qu’il s’agissait d’une réduction de la niaise(rie) et de l’idée de quantité. Le mot botte a plusieurs sens, mais au singulier avec la préposition en, le sens de produits de même nature réunis ensemble en une unité destinée à la vente etc., précise l’idée de quantité (celle dont dispose le marchand par exemple, possiblement beaucoup). Et le foin que l’ont met en botte devient une botte de foin. Ce qu’on mettrait en botte ici serait la niaise, un adjectif substantivé que j’assimile à la niaiserie. Je ne sais pas si quelqu’un de plus familier que moi avec l’argot y entendrait autre chose…
Céline reprend en 1944 dans la préface de Guignol’s Band I cette idée
selon laquelle le sujet apparent d’une œuvre d’art n’a de valeur
qu’autant qu’il permet de susciter cette émotion qu’il revient à
l’artiste de transposer par les moyens du rythme et de l’harmonie. Les
bagarres qui se multiplient autour de Ferdinand dans la première
partie du roman sont en effet présentées par l’auteur comme de simples
prétextes à un travail d’écriture révolutionnaire, qui doit permettre
à l’émotion de donner sa pleine mesure, et avoir pour effet de rendre
immédiatement obsolète toute littérature qui renoncerait à en faire
autant :[on cite un extrait contenant l’extrait en question]
C’est dans cette écriture expressive et décousue dont ce passage tout
en interjections et en juxtapositions donne un exemple que le sujet
apparemment futile du roman trouve sa justification : les
échauffourées grotesques qui se multiplient dans Guignol’s Band
constituent le meilleur point de départ pour la transposition de cette
émotion que l’écrivain a la charge d’exprimer. Cette dévaluation du
sujet qu’il présente comme une révolution permet ainsi à Céline de
prétendre au titre de successeur littéraire des peintres
impressionnistes […]Rémi Wallon. La musique du fond des choses : destruction, savoir et
création dans les écrits de Louis-Ferdinand Céline. Littératures.
Université Sorbonne Paris Cité, 2017. Français. NNT : 2017US-PCC250.
tel-02306487v2, à la page 143.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la préface, et cette série d’interjections ressemblent un peu à des feux d’artifice et je ne sais pas si l’analyse des pièces pyrotechniques individuelles mène à une quelconque révélation de la pensée de l’auteur, au-delà du style.
J’ai aussi jeté un coup d’œil à une traduction en langue anglaise pour y constater le choix des mots « dopiness » et « by the yard » pour rendre ces deux éléments en interjection. Il y a concordance entre ce choix et mon impression de niaiserie/en quantité, et je trouve cette interprétation plausible en contexte mais on est loin d’une démonstration…
- That could be silliness/loads of it.
- I don’t think there’s a connection with objection.
- (Mettre) en botte is to bunch/bundle together ; something en botte is so bunched/bundled together, like flowers/hay etc.
There are two possibilities
A en botte
— wrapped in a bundle, into a bundle
B en bottes
— wrapped in bundles
— wearing boots
You find 23 occurrences of the word "botte" in the book, out of which 5 are preceded by "en". The first and the last only of the occurrences preceded by "en" is in the singular, which means that, if there is no error or case for poetic license, in these two occurrences the author is talking about a bundle.
All occurrences have been collected below, each with the text that contains them, so as to situate them better and so as to facilitate further research if a new idea arises.
en botte(s)
-
(p. 8) À vous de comprendre ! Émouvez-vous ! « C’est que des bagarres tous vos
chapitres ! » Quelle objection ! Quelle tourterie ! Ah ! attention ! La niaise !
En botte ! Volent habillons ! Émouvez bon Dieu ! -
(p. 52) qu’après ça… à lui les mignonnes !… Caïd et tout et revendeur ! La Police ça les
gêne pas !… des hypocrites !… Toutes les mômes en bottes pour les
Corses !… pour les Belges !… pour n’importe qui !… Ah ! cette affaire !
Business fameux !… Moi je sais ce qu’il gamberge le futé ! -
(p. 107) Ceux qui peuvent rester ils
restent pas ! On les bute ? ils sont pas contents ! Ils savent pas ce qu’ils
veulent !… Merde !… C’est la fin des bonnes manières ! La vacherie en
bottes ! »
Ah ! Il se marrait tout de même au fond !… On voyait bien qu’il
taquinait… qu’il nous faisait marcher… Croquemitaine ! -
(p. 624) C’est pas drôle le petit matin… La
sueur du tramway à Londres ça sent les soutes des bateaux… les voyages
aux antipodes ! dans les Orients, les passes malaises, à cause des pipes, des
tabacs au miel… au santal un peu.
Ils y pensent peut-être aussi les employés du tramway, en boîte, en
bottes, cahotant dur, ramponnant les uns dans les autres, aux aiguillages,
aux coins des rues, déballant sec, cahin-caha, de High Point à Shepperd, -
(p. 680) Sosthène lui il était fixé. Il se caillait plus le mou. Il voulait
plus se remuer pour rien. Il attendait l’accomplissement de la prophétie,
que les bourriques viennent nous cueillir. Là tous là en botte. Il le
pariait devant les domestiques. C’était entendu.
For cases 2 and 3 there is no way to tell which is which; case 4, for instance, in which "en bottes" is preceded by "en boîte" shows that there is a case of "bundle in the plural": "en boite" means "tinned" (French: sardines en boite, English : tinned sardines), and this reminds one of bundles, bunches (bunch of radishes); this analogy tends to confirm very much the idea of bundle in this occurrence.
There is possibly a connection between "1" and "2"; "La niaise" can only be a person of the feminine sex; in "2" we find "les mômes en bottes"; "les mômes" is a pejorative term used for rather young women, and here, apparently, from the context, for young prostitutes; however, it is difficult to conclude anything and speculation is the reader’s only ressource, in other words incomprehension (this is likely so because of design : "À vous de comprendre !"). Are we to understand "batches" of young prostitutes assigned to certain clients in groups (Corsicans, Belgians, …)? There is little doubt from the word "pour" that whether "en bottes" means "booted" or "bundled" the purpose of either is to serve, in some way, the Corsicans, the Belgians, and others.
botte(s)
-
(p. 33) Ship Chandlers qu’était son blot, tout le
matériel du marin, tout ce qu’il faut pour l’équipage, pour le capitaine.
Des couteaux, des bottes comme ça, et des lanternes, des falots de toutes
les couleurs et puis du dé un peu faisan et de la saumure -
(p. 124) elle bêle d’horreur… Elle veut se
sauver… elle peut pas !… Tout retombe sur elle !… Le vieux veut l’aider,
l’extirper ! il tire dessus, là par les bottes… il s’arc-boute… ho ! hisse ! et
hop !… toute la camelote redégringole !… -
(p.132) Boro pour se faire de la place, il repoussait tout, à droite, à gauche… à
grands coups de bottes… Il piquait un crincrin dans le tas, un saxo, un
piccolo, mandoline… il taquinait le truc un petit peu… comme çi,
comme ça… un air prélude..
[next occurrence – "botte" means "to kick".]
-
(p. 162) Il va défoncer le
grand sofa ! Il reste là croulé ! moi alors j’y vas ! je monte dessus ! là sur
son gros corps ! je le piétine ! je le botte ! je lui fous une grande
claque !… je vais là-bas exprès ! -
(p. 172) « Et la poupée ?… Elle bouge pas ?… »
Elle est affalée… elle repleure !… Je lui file un coup de botte dans les
côtes… histoire qu’elle se redresse !… Elle pousse un grand hurlement…
Elle réagit et furax !… -
(p. 214) Je suis prêt à tout défoncer !… je ramponne
terrible !… à coups de bottes !… On m’entrouvre à la fin tout de
même !… une fissure… je bouscule tout ! j’emboutis… l’huissier !.
[next occurrence – figurative use of "botte", servility]
-
(p. 282) « Drinks ! » commande le colonel.
Un larbin s’empresse, arrive à la botte… toute une cave de bouteilles,
flacons, whisky, cognac, champagne, cherry… -
(p. 289) Il veut nous épater de son luxe… Il fait le grand seigneur
à présent… Un colonel ! shako ! grand sabre ! magnifique alors !… du
gala !… brandebourgs ! bottes ! éperons !… moulé kaki et rouge revers !…
Ah ! il est incroyable sa bouille ! -
(p. 317) La table est servie ! Voilà le colonel ! et la croûte ! Ils se sont changés
tous les deux… en bleu de chauffe, hautes bottes caoutchouc… fini le
chinois et l’opérette… sérieux tous les deux… absolument experiments !
[next ocurrence – possible use of "botte" as "bundle"*]
- (p. 423) Mireille la femme à Gendremer avec sa robe prune… tout ça en plein
boum !… je les reconnaissais toutes… Si elles se défendaient,
virevolaient, te piquaient du kaki à la botte, à l’arraché… c’était par
armées que ça godait ! que ça venait ! c’était l’heure !
[next occurrence – surreal figure of speech in which spurred boots become "iron boots"]
-
(p. 616) je vais le vider le sale outil ! C’est plus supportable ! Il m’étreigne le
féroce… il se doute ! ses deux bottes de fer ! un coup de ma terrible
croupe, je pars, envole, prodige dans l’essor ! -
(p. 616) Heureux bon Dieu j’ai plus de
culotte !… Je suis cheval de bataille pas pour rire… la croupe à poil… à
poil et nerfs !… et fort monté ! Voilà comme je charge ! au 17e lourd
botte à botte… trois mille cinq cents cavaliers !… et des masses en plus !
écumes cœur au vent la bourrasque !…
[next occurrence – symbolism : "boot" as symbol of domination]
-
(p. 619) Quand j’aurai
repris toute ma vigueur je vous ferai faire les douze escaliers !… chacals à
ma botte ! monstres ! cochons !… » Ils en rotent… je les domine je les
traite caca… Ils ont pas fini !… Je veux qu’ils me massent la région du
cœur -
(p. 634) Je le repère par terre, au
trottoir, ils sont deux colosses qui le sonnent, en train de le finir, l’un au
bâton l’autre à coups de botte… -
(p. 673) C’est tout du vampire et perfide ! tu sautes gentleman ! ils t’enlèvent la
peau ! C’est ça l’étranger pour eux, une peau pour leurs bottes ! J’ai la
pratique ! j’ai payé ! Je vois tout ça venir !
[next occurrence – symbolism : "boot" as symbol of domination]
- (p. 714) Il peut plus tout
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