Le TLFi inclut dans la section étymologique de rien une ancienne expression, quoique la connexion étymologique laisse à désirer:
loc. adv. ca 1160 ne … de rien « en aucune manière, nullement » (Eneas, 1821: Quant il de rien ne me conforte); 1377 ne … en rien « id. » (Gace de La Buigne, Deduis, 1554 ds T.-L.).
Par ailleurs, on ne peut pas ajouter de dans ta phrase-exemple (*comme si de rien ne s’était passé), au même titre que *comme si rien n’était est incorrect. La tournure avec de a donc probablement eu un sens précis à une certaine époque. Je note que d’autres expressions vieillies sont citées avec de: n’être de rien, servir de rien (II.B.6.a,g), et même l’expression de rien en réponse à un remerciement.
Il me semble que :
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L’expression figée « comme si de rien n’était » ou « comme si rien ne s’était passé » date du 17e. Elle était écrite en italique à l’époque car les gens la trouvaient familière. C’est le cas de Balzac (Ursule Mirouët, IV) ou Gide (Journal, 25 oct. 1938).
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Comme si rien n’était existe, mais est désuet.
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Certains grammairiens voient ce de comme un sujet, d’autres comme un attribut. Mais c’est la première qui est manifestement la plus favorisée.
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Le de sert à indiquer que l’expression est une situation particulière et non pas prise dans le sens « comme si rien n’existait » (R. Martin, Le mot « rien » et ses concurrents en français, 1966).
Je relis vos réponses* avec le recul (6 ans !), et il me semble au final que ce “de” est à rattacher à l’usage du mot “rien” (comme dans l’expression “rien de tout ceci”), c’est peut-être la forme larvée de
Comme si rien de ceci n’était…
qui aurait subi une inversion
Comme si[,] de ceci[,] rien n’était…
puis la disparition progressive du “ceci” qui alourdit la forme
Comme si de rien n’était…
* (C’est le dernier point évoqué par Xaltar qui m’a suggéré cette réponse, merci à lui)
Une explication possible se trouve peut-être dans cet extrait :
Mais c’est cela même qui est le principal artifice de votre conduite, de faire croire qu’il y va de tout en une affaire qui n’est de rien. Blaise Pascal, Les Provinciales, 1657
Il faut comprendre qui n’est constituée/créée/faite de rien.
La préposition de serait alors proche de celle de l’expression toujours actuelle « de rien du tout » (insignifiant) comme dans :
Un affaire de rien du tout.
Un bobo de rien du tout.
Il est de rien du tout, ton bobo.
etc.
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